La réforme du budget de l'État

Les ingrédients de la réussite d'une réforme budgétaire

Category: Budget annuel (page 2 of 2)

Le budget-programme reflète le plan d’action lequel reprend, pour l’année de référence, les objectifs du plan stratégique ministériel et assigne les responsabilités. Il constitue le cadre dans lesquel les dépenses sont autorisées. Il permet le contrôle de l’utilisation des fonds publics, la gestion des programmes et des activités et intègre une actualisation des choix politiques.

Le retour du BBZ ?

Un regain d’intérêt

Après une chute de popularité dans les années 90, le budget base zéro (BBZ), semble, depuis quelques années, regagner les faveurs des administrations publiques. En 2009, quinze états américains ont introduit des projets de textes législatifs1 pour implanter le BBZ dans l’une ou l’autre de ses variantes2. Si nombre d’entre eux semblent avoir été abandonnés, l’Unité de recherche législative de l’Assemblée de l’Illinois3 mentionne qu’en 2008 :

  • quatre (4) États utilisaient le BBZ (Colorado, Delaware, Ohio et Oklahoma);
  • trois (3) devaient y avoir recours dans leur prochain budget (Caroline du Sud, Géorgie et Utah);
  • six (6) réalisaient des Sunset Reviews – revues basées sur un BBZ, conditionnelles à la reconduction de programmes (Californie, Floride, Maryland, Missouri, Montana et Oregon);
  • cinq (5) exigeaient que les propositions budgétaires soient justifiées et la priorité des programmes démontrée (Caroline du Sud, Dakota du Nord, Iowa, Maine et Wyoming).
L’utilisation du BBZ n’est pas limitée aux États américains, la méthode a été adoptée tant par des municipalités et que par des États étrangers. Par exemple, la Chine dit avoir introduit le BBZ en 2004 (au ministère de la Défense notamment); le gouvernement indien a demandé aux différents ministères de réviser leurs programmes sur une base BBZ pour la préparation du plan quinquennal 2002-2007; le Royaume-Uni a conduit au cours de la revue des finances publiques de 2007, une série de revues de programmes basées sur le BBZ pour s’assurer de l’efficience et de la cohérence à long terme des politiques publiques.

Le BBZ dans sa version première

Le BBZ est un système de budgétisation mis en place, au début des années 70, par Peter A Pyhrr4, Contrôleur à la société Texas Instruments. Le Gouverneur de Géorgie, Jimmy Carter en favorisa l’adoption par l’État lors de la préparation du budget de 1973. Élu à la Présidence des États-Unis, il incita le gouvernement fédéral américain à adopter le BBZ, ce qui fut fait avec le budget de l’année fiscale 1979.

Le BBZ est, en première analyse, une méthode qui vise à contourner les inconvénients d’une prévision budgétaire par simple incrémentation. Cette méthode postule que toutes les activités, toutes les structures peuvent être remises en question lors de la préparation du budget, que leur financement ne saurait être acquis sans qu’elles aient été scrutées attentivement lors d’un exercice d’allocation compétitif des ressources.

Dans sa version originale, le BBZ consiste à (voir figure ci-après) :

  1. Aux différents niveaux de responsabilité :

    1. Identifier des « Modules de décision » (MD) qu’il s’agisse de programmes, d’actions, de projets ou d’unités organisationnelles.
    2. Définir, pour chaque MD, différentes variantes correspondant à une allocation de ressources :

      • permettant de maintenir des services minimums;
      • préservant le niveau de service actuel;
      • se situant à un niveau médian entre les deux cas de figure précédents;
      • additionnelles permettant d’accroître les services.
    3. Préparer des dossiers justifiant les MD : objectifs (quantifiés si possible), niveau d’effort, analyse coût-efficacité, budget.
    4. Hiérarchiser les MD en fonction de critères de valeur préétablis.
  2. Faire remonter les dossiers au niveau de responsabilité supérieur pour analyse, revue des priorités, consolidation et arbitrage à la marge pour les MD à cheval sur la limite fixée par la contrainte budgétaire.

  3. Budgétiser les dossiers retenus.
Démarche du Budget Base Zéro

Démarche du Budget Base Zéro

Les MD sont essentiellement hiérarchisés à la lumière de trois critères :

  • La contribution à l’atteinte des objectifs stratégiques : Dans quelle mesure le MD contribue-t-il à l’atteinte d’objectifs de niveau supérieur (cohérence)? A-t-il des effets indirects sur d’autres actions? Est-il possible d’évaluer cette contribution par rapport à celle apportée aux mêmes objectifs par d’autres actions?
  • La nécessité : Quels seraient les inconvénients à réduire ou supprimer le service induit par le MD? Qui en subirait les conséquences? L’économie réalisée serait-elle significative?
  • L’efficience : Comment le rapport « coût par unité de service » se compare-t-il avec celui de services similaires ou livrés ailleurs?

L’introduction de variantes

S’il s’est avéré que faire table rase du passé pouvait permettre de réduire de manière significative les dépenses discrétionnaires, la méthode a pu paraître extrêmement lourde lorsqu’il s’agissait de l’appliquer systématiquement, notamment à des programmes pérennes comme ceux relatifs à l’éducation de base qui, d’un point de vue politique, ne pouvaient de toute façon être remis en question. Par ailleurs, la méthode requerrait i) une mobilisation importante des ressources d’encadrement pour la réalisation des analyses; ii) le traitement d’un nombre considérable de données compte tenu des outils informatiques disponibles à l’époque. La méthode a été jugée coûteuse tant en termes monétaires qu’en temps consommé, si bien qu’elle n’a subsisté dans de nombreux cas que sous des formes qui ne conservaient que certains principes du BBZ comme la budgétisation optionnelle (Alternative Budgeting) ou les revues périodiques de programmes.

La budgétisation optionnelle ne garde du BBZ que la partie relative à l’établissement de variantes basées sur un niveau donné de services, la référence étant le budget de l’année précédente. De ce fait, la budgétisation optionnelle vide le BBZ de sa substance et revient à produire des scénarios, ce qui est pratiqué depuis que le processus de budgétisation existe.

Les revues périodiques de programmes basées sur le BBZ partent du constat que si la méthode est coûteuse lorsqu’elle est appliquée sur une base annuelle, elle trouve toute son utilité si les analyses sont réalisées sur un cycle de plusieurs années. La Floride a ainsi initié un cycle de 8 ans en 2001, l’Oklahoma un cycle de 4 ans en 2003 et l’Idaho un cycle de 6 ans en 20095.

Conclusion

Même si les technologies de traitement de l’information sont beaucoup plus performantes que lors de l’introduction du BBZ, son application intégrale demeure coûteuse. A l’heure où, dans les entreprises, les processus de budgétisation et la nécessité même du budget sont remis en question6 et où il est attendu de l’État qu’il fasse plus avec moins, les exercices annuels de préparation budgétaire qui monopolisent les décideurs pendant des mois risquent de ne pas faire long feu.

Par contre, la méthodologie qui sous-tend le BBZ semble parfaitement adaptée à l’analyse des programmes sur une base tournante ou aux revues périodiques des finances publiques. En effet, elle permet d’augmenter la cohérence de l’action publique en s’assurant que les activités convergent vers les objectifs stratégiques; de détecter les budgets « gonflés » et de limiter les gaspillages; d’améliorer l’efficacité et l’efficience des programmes; de responsabiliser le personnel en l’incitant à évaluer les mérites des programmes en termes de Value for Money; de les hiérarchiser et, en dernier ressort, de les financer ou de les interrompre.

__________

  1. Alabama, Californie, Caroline du Nord , Caroline du Sud, Illinois, Iowa, Kansas, Géorgie, Massachusetts, Mississippi, New Jersey, Ohio, Pennsylvanie, Texas et Virginie.
  2. Zero-Base Budgeting in the States. Document from National Conference of State Legislatures, 2010.
  3. Zero-Base Budgeting in Other States. Legislative Research Unit, Illinois General Assembly. Mary E. Rodgers, Tarah F. Williams, 2008.
  4. Peter A. Pyhrr (1973). Zero-Base Budgeting: A Practical Management Tool for Evaluating Expenses, Wiley.
  5. Zéro-Base Budgeting in the States From The National Conference of State Legislatures. Ron Snell. June 4, 2010.
  6. Voir à ce sujet BBRT – Beyong Budgeting Roundtable http://bbrt.org.
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Chapitre 2 – La reddition des comptes dans le cycle de gestion

Au niveau de l’Institution Publique (IP), sept grandes étapes balisent le cycle de gestion des finances publiques reposant sur un budget pluriannuel par programmes. Ces étapes peuvent être formelles ou non, désignées par des termes différents, mais font partie intégrante d’une démarche nécessaire pour être en mesure de « prévoir – réaliser – corriger » dans le but d’atteindre les objectifs des politiques publiques.

La structure de programmes est la représentation opérationnelle de la/des mission(s) de l’IP. Elle est à la fois le point de départ du processus budgétaire et son aboutissement lorsqu’il aura été constaté qu’une mission n’est plus en adéquation avec les besoins des populations. Une fois les missions clairement identifiées et circonscrites, les étapes du cycle de gestion s’enchaînent :

    1. Élaboration de stratégies1 : « L’élaboration de stratégies (ou plans) nationales et sectorielles à moyen et long terme est essentielle pour formuler des politiques publiques. Cette tâche se situe en amont de la budgétisation. Une stratégie sectorielle comprend : (i) les objectifs des politiques publiques pour le secteur et la détermination du rôle approprié de l’État en fonction de ces objectifs ; (ii) une analyse de la situation actuelle et l’identification des défis critiques dans la réalisation des objectifs ; (iii) les activités et mesures requises pour mettre en œuvre la stratégie ; et (iv) une estimation des coûts de mise en œuvre de la stratégie.»

    2. Programmation : Le Plan d’investissement à long terme (PILT) est induit par les stratégies; il est la traduction des mesures et projets devant être exécutés pour atteindre les objectifs des politiques publiques. Tout comme le plan stratégique, il n’est pas soumis à des contraintes financières. Le plan stratégique peut comprendre des « gaps » financiers. Le PILT, de son côté, ne tient pas compte des ressources disponibles, mais de la rentabilité économique, financière et sociale intrinsèque des projets. Leur inscription au budget est affaire de priorité, d’opportunité et de contribution relative à l’atteinte des objectifs stratégiques.

    3. Macrobudgétisation : Le Cadre des dépenses à moyen terme sectoriel ou ministériel (CDMT) traduit les stratégies ministérielles en enveloppes financières à affecter aux programmes et activités. Il s’agit d’un exercice de prévision pluriannuelle au cours duquel les actions retenues doivent s’inscrire dans des limites budgétaires, elles-mêmes découlant des contraintes fixées aux dépenses de l’État par sa capacité à générer des revenus. Parce que l’on ne peut dissocier objectifs stratégiques, affectation des ressources et mesure de la performance, le CDMT quantifie les objectifs et définit les indicateurs de haut niveau qui permettront de cadrer les efforts à réaliser au niveau opérationnel.

    4. Budgétisation détaillée : Le budget-programme consiste à affecter des ressources financières limitées (enveloppe ministérielle) aux activités nécessaires pour la réalisation d’objectifs annuels qui contribuent à l’atteinte des objectifs stratégiques.

    5. Exécution du budget : L’exécution du budget est le processus par lequel les ressources financières mises à la disposition de l’IP sont engagées et contrôlées en vue d’atteindre les objectifs stratégiques et annuels convenus. Le processus d’exécution du budget, généralement connu sous la dénomination de « circuit de la dépense », comprend l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement.

    6. Reddition des comptes : La reddition de comptes, objet de ce document, vise à démontrer la cohérence entre la mission de l’IP, son plan stratégique, ses obligations législatives, ses capacités organisationnelles, les ressources engagées et les résultats atteints.

    7. Révision des programmes : Pour un certain nombre de raisons, les programmes peuvent et doivent être révisés périodiquement. Cette révision ne peut avoir lieu qu’à la suite d’un état des lieux approfondi au cours duquel des réponses aux questions suivantes devraient être apportées : Le programme sert-il encore l’intérêt public? L’action du Gouvernement est-elle nécessaire ou peut-elle être relayée plus efficacement par d’autres intervenants? En regard des contraintes budgétaires, le niveau de priorité du programme justifie-t-il son maintien?

Figure 3 – Le cycle de gestion

Cycle de gestion

Reddition des comptes

small>1. Tommasi Daniel (2008). Cadre des Dépenses à Moyen Terme (CDMT) : Notes de cours.
 
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Chapitre 1 – Le processus d’élaboration du budget

Les stratégies de gestion visent le long terme, normalement 5 ou 10 ans. Dans certains secteurs, particulièrement dynamiques ou innovants, l’horizon peut être plus court. Les stratégies nationales des États s’inscrivent naturellement dans une perspective beaucoup plus éloignée. A titre d’exemple, en instituant, en 1990, un fonds souverain à même ses ressources pétrolières, la Norvège – à la fois pour faire face à l’après-pétrole et pour éviter que l’afflux des ressources pétrolières ne minent l’essor des autres industries (syndrome hollandais) – visait un horizon situé dans plusieurs décennies.

Les États élaborent également des stratégies sectorielles à moyen terme, découlant de leur stratégie nationale. Les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) visent, dans les pays les moins avancés, à répondre à ce besoin. À partir de constats et du diagnostic des entraves à la croissance, le CLSP définit une stratégie de lutte contre la pauvreté et expose les politiques macroéconomiques, structurelles et sociales devant être mises en œuvre pour atteindre, dans le cadre d’un plan d’actions prioritaires (PAP), des objectifs clairement définis.

Dans son horizon à court terme, le PAP permet de programmer de manière détaillée les activités devant être réalisées pour atteindre des objectifs immédiats.

Aux différentes étapes stratégiques correspondent des évaluations des ressources nécessaires pour mener les activités. Plus l’horizon est éloigné, plus les estimations seront grossières et moindre sera le niveau de détail. À un horizon à moyen terme correspond un niveau de macrobudgétisation alors qu’une programmation à court terme des activités nécessite un budget détaillé.

La Figure 1 présente, à titre d’exemple, le processus de planification stratégique en Alberta. Le gouvernement s’est attaché à conserver une étroite cohérence à tous les niveaux du processus, et ce, jusqu’à la confection du budget.

Figure 1 – Le processus de planification stratégique en Alberta

La Figure 2 présente la séquence dans laquelle devrait être établi le budget de l’État. Nous sommes bien conscients que souvent, pour des raisons diverses (pressions externes, impératifs de politique intérieure…) cet ordre logique ne peut être respecté; mais il faut bien comprendre également qu’il n’est pire confusion que celle créée par des orientations divergentes.

Figure 2 – Le processus d’élaboration du budget

Fin 1999, la Banque mondiale et le FMI, soutenus par l’ensemble des bailleurs de fonds, ont demandé aux pays à bas revenus qui souhaitaient bénéficier de financements à taux privilégié ou d’un allégement de leur dette (Initiative PPTE) de préparer un programme national de réduction de la pauvreté, désigné sous le terme de Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP).

 
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