Les rapports de reddition des comptes portent différents noms suivant les pays1; leur contenu peut varier, mais en règle générale, ils traitent tous de la mission de l’Institution Publique (IP), de la finalité et des objectifs des programmes, de l’analyse des résultats et des informations financières.

Malgré cette apparente homogénéité de contenu, les disparités entre les rapports de reddition des comptes des différents pays sont telles qu’il est extrêmement difficile de concevoir un rapport idéal. Chacun d’entre eux à ses mérites et répond aux priorités que se sont donnés les législateurs et les gestionnaires.

Il peut être intéressant d’appliquer mutatis mutandis les principes énoncés dans les avis exprimés par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières au sujet du rapport de gestion des entreprises cotées en bourse2. Le rapport de reddition des comptes devrait alors3 :

  1. Permettre au citoyen de voir l’IP du point de vue des décideurs politiques.
  2. Constituer à la fois un complément et un supplément à la présentation des états financiers.
  3. Être complet et nuancé, donner une image fidèle de la réalité et présenter l’information qui est importante pour juger du bien-fondé des politiques publiques et de leur mise en œuvre.
  4. Adopter une orientation prospective.
  5. Être focalisé sur la création de valeur, soit la fourniture, au moindre coût, de services de qualité à l’ensemble de la population.
  6. Être compréhensible, pertinent et comparable.

5.1 Présenter le point de vue des décideurs politiques

Un budget n’est pas neutre. Comme nous l’avons mentionné précédemment (Chapitre 3), il traduit une intention dont le bien-fondé doit être établi. De plus, il appartient aux pouvoirs publics de démontrer que les objectifs fixés sont cohérents avec cette intention et que les stratégies mises en œuvre pour les atteindre sont réalisables.

Le document de reddition des comptes doit donc permettre de faire partager au lecteur cette vision à la lumière de laquelle les actions gouvernementales seront examinées. Par contre, pour être crédibles les informations présentées doivent être vérifiées et recevoir un aval externe.

5.2 Fournir une information complémentaire aux états financiers

Différents rapports peuvent être jugés nécessaires pour rendre compte fidèlement de l’activité gouvernementale : les rapports de performance, les états financiers, l’évaluation du contrôle interne ou le rapport de vérification. Mais, au minimum, les IP doivent informer le public sur la manière dont elles se sont acquittées de leur mission et les budgets consommés pour ce faire.

Au Canada, les ministères et organismes doivent publier leurs états financiers dans le cadre du processus lié au « Rapport ministériel sur le rendement » (RMR). Les rapports peuvent être fondus au sein d’un même document ou présentés séparément. Le RMR fournit des informations sur les résultats obtenus en regard des objectifs poursuivis ainsi que des comparaisons globales et par programme entre budgets et consommations budgétaires. Les états financiers ont, tant par leur contenu que par leur forme, la facture classique des comptes annuels de sociétés (Déclaration de responsabilité de la direction, état des résultats, état de la situation financière, état des flux financiers et notes).

En France, le projet de loi de règlement comprend le Compte Général de l’État (CGE), qui regroupe l’ensemble des états financiers : bilan, compte de résultats et tableau des flux de trésorerie. Il est accompagné de nombreuses annexes, dont notamment des rapports annuels de performance (RAP) qui précisent, par programme, les résultats atteints et permettent d’évaluer l’utilisation des crédits.

5.3 Être complet et nuancé

Le rapport de reddition des comptes doit être nuancé et factuel. Les résultats doivent être interprétés avec prudence, notamment lorsqu’ils sont soumis à des influences externes. Il doit, par ailleurs, être complet. Cela signifie qu’il doit décrire et expliquer, sans omission ni erreur, tous les évènements dont l’importance relative ne fait aucun doute. Une information doit être reportée dès lors qu’elle peut influencer le jugement du lecteur sur l’évaluation de la performance et ce, qu’il s’agisse de données prévisionnelles (stratégies, objectifs, indicateurs, cibles ou budget) ou réelles.

Mais là encore, l’appréciation du niveau de détail requis varie suivant les pays. Par exemple, le RAP 2009 du Ministère français de la Justice consacrait 38 pages sur 82 (46%) à la justification au premier euro (JPE). Celle-ci consiste en une explication très détaillée les écarts par poste comptable, les mouvements de crédits, les crédits consommés et ce, globalement et par action. Ce niveau de détail ne figure pas, en règle générale, dans les documents canadiens ou britanniques.

Enfin, le rapport doit accorder une juste place à l’examen du respect des procédures et de la réglementation lors de l’exécution du budget. Cette analyse doit aller au-delà des aspects formels et examiner les véritables enjeux. En effet, par exemple, dans certains pays, l’administration recourt abusivement à des mesures budgétaires extraordinaires comme les dépenses avant ordonnancement (DAO) ou les dépenses d’urgence pour contourner l’esprit de la loi; affaiblissant par le fait même la portée des plans gouvernementaux et des prévisions budgétaires.

5.4 Adopter une orientation prospective

Les évaluations contenues dans le rapport de reddition des comptes servent non seulement à faire le point sur l’exécution du budget et l’efficacité des initiatives, mais également à infléchir les stratégies infructueuses. Elles influencent aussi le choix de propositions nouvelles. En effet, l’analyse de la performance des actions passées constitue un point de référence primordial pour les études de coût-efficacité lors de l’élaboration du budget.

En obligeant le dépôt et l’examen de la loi de règlement – et donc du RAP – avant le vote de la loi de finances de l’année suivante, la loi organique française met comme préalable à l’octroi des nouveaux crédits budgétaires, le débat sur l’analyse des résultats passés des programmes.

5.5 Être focalisé sur la création de valeur

Rares sont cependant les pays dont les rapports de reddition des comptes traitent de l’efficience des interventions. Un rapport au Congrès souligne les efforts qui restent encore à accomplir en la matière aux États-Unis4.

Au Royaume-Uni par exemple, la mesure de l’efficience fait partie des rapports ministériels depuis de nombreuses années. Le concept de « Value for Money » est l’une des bases de la préparation du budget et des rapports sur le performance (ce concept sera abordé à l’occasion d’un prochain article sur la nouvelle gestion publique au Royaume-Uni). Une telle approche devrait sans doute être adoptée par les pays en développement dont les ressources limitées ne permettent aucun gaspillage. L’Afrique du Sud s’est délibérément engagée sur cette voie lors de la présentation du budget 2010.

Il faut noter que les progrès en matière sont intimement liés à la mise en place d’un système de comptabilité analytique performant.

5.6 Être compréhensible, pertinent et comparable

Le rapport doit présenter une information utile au lecteur. Le citoyen est beaucoup plus intéressé par les résultats des initiatives gouvernementales que par les actions qui ont été menées pour y arriver. L’information pertinente doit être présentée clairement. De plus, les progrès se mesurant à l’aulne des résultats passés; tant la forme que le contenu doivent être comparables d’une année à l’autre. Enfin, la comparaison des performances de diverses IP peut non seulement contribuer à l’évaluation du personnel et des stratégies de gestion, mais également à l’allocation optimale de ressources budgétaires limitées entre les différentes IP.

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1. Rapport annuel de performance en France; Rapport ministériel sur le rendement au Canada; Departmental Report et Departmental Resource Account en Grande-Bretagne ou Performance Report pour la province de l’Alberta.

2. Le rapport de gestion. Lignes directrices concernant la rédaction et les informations à fournir. ICCA. 2009.

3. Ibid page 13.

4. Streamlining Government – Opportunities Exist to Strengthen OMB’s Approach to Improving Efficiency. Report to Congressional Requesters. GAO. May 2010.

 
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